lundi 23 février 2015

The Unfinished Swan - Paint It Black

C'est beau le progrès. Alors que des éditeurs se battent à grands renforts de grosses productions repoussant les limites technologiques des consoles, des studios de taille modeste en profitent pour mettre en place des concepts originaux, irréalisables il y a quelques années, jouant sur la narration et les codes du jeu vidéo. Illustration avec The Unfinished Swan.

Wight is white.
A la manière d'un héros de J-RPG, le petit Monroe est tiré de son sommeil par la fuite d'un cygne, échappé de la toile inachevée laissée par sa mère récemment décédée. "Armé" d'un pinceau magique, il se retrouve dans un monde entièrement blanc et immaculé, devant trouver son chemin en jetant des gouttes d'encre noir autour de lui, et découvrir ainsi ce qui l'entoure.

Entre le First Person Shooter classique pour l'aspect tir et le First Person Walker pour la découverte lente de ce monde (impossible de courir), on prend rapidement du plaisir à barbouiller généreusement les décors pour en découvrir les volumes, et s'approprier ce monde. Et quand on commence à se fatiguer de cette mécanique (à la limite du gimmick), des ombres naturelles et des couleurs apparaissent, le pinceau peut lancer des gouttes d'eau pour faire pousser des végétaux. Puis place à des jeux de volumes à créer et de lumières pour le dernier acte.

Car c'est déjà fini. L'aventure est courte dans les standards d'aujourd'hui (deux à trois heures), mais l'évolution du gameplay et des environnements sert de manière étonnante l'histoire, qui se dévoile de manière habile dans les dernières minutes. Alors que la communication autour du jeu se basait essentiellement sur ce système de peinturlurage sauvage, le titre se révèle bien plus profond avec en filigrane une évocation du parcours artistique et de la relation père-fils (spoiler! ah, trop tard...), et un univers onirique teinté de touches cauchemardesques, dans lequel Terry Gilliam est parfaitement à sa place via son caméo.

Bien que ce titre mérite difficilement de s'y replonger (la quête des ballons est totalement accessoire et tente pitoyablement d'étendre la durée de vie), son propos et la manière de le porter peuvent marquer le joueur, même si pour une expérience similaire (dans une approche artistique du jeu vidéo), Journey est une expérience plus enrichissante et vivante. Le clin d'oeil aux marcheurs encapuchonnés et à la montagne est loin d'être anodin, un véritable signe de reconnaissance d'une équipe inspirée à une autre.

dimanche 22 février 2015

Renegade Ops - Burn that Gasoline

Pour faire de la place sur le disque dur de ma PS3, j'ai fait un petit tour parmi les jeux téléchargés il y a des années (déjà), mis de côté et oubliés au fond d'un répertoire. Avant de supprimer un titre, je me suis décidé à le finir en une soirée (quitte à choisir la difficulté minimale), et bien m'en a pris vu la barre de rire finale. Ce titre qui ne paie pas de mine, c'est Renegade Ops.
Avertissement: contient de la badasserie.
Edité par Sega et développé par Avalanche Studios (l'équipe derrière Just Cause 2, ça se sent), ce jeu de tir s'inspire d'un univers d'action heroes façon années 80 ou The Expendables, à la sauce jeu de tir vu de dessus. Je suis une bille aux shoot'em up (réfractaire aux réflexes d'acier, à la mémorisation des patterns et la quête des multiplicateurs de points), mais ce titre se rapproche des jeux sur CPC façon Commando, Tank ou The Vindicator: on dirige un véhicule qui doit tracer sa route à grands coups de mitraillette et roquettes, en explosant un maximum de métal et de soldats chair-à-canon.

Mis au goût du jour du XXIe siècle, le gameplay est bien jouissif et relativement nerveux: on trace avec son véhicule sur des routes plus ou moins praticables, dans des niveaux où il est facile de se perdre, face à une nuée interminable d'ennemis. A l'aide du stick droit, on tire dans toutes les directions, les power-ups permettent d'augmenter sa force de destruction, les tirs laser ou lance-flammes amplifient le carnage, et rapidement on apprécie de semer le chaos en dérapant autour de tanks dix fois plus imposant que notre 4x4 blindé.

En jouant en mode facile, je n'ai pas eu droit au système d'expérience, de bonus d'armement et de scoring, mais j'ai évité la frustration d'un jeu qui se révèle rapidement très exigeant avec des vies limitées. Et cela permet surtout d'apprécier toute l'essence d'un scénario à la hauteur de ses influences cinématographiques. Les quatre personnages principaux (à choisir à chaque niveau) restent sans voix et au second plan, alors que leur chef, moustache et carrure à la Stallone, et le gros méchant appelé Inferno prennent toute la lumière, avec des répliques caricaturales mais totalement assumées, et jouées avec un aplomb extraordinaire. C'est la fête des clichés, avec le général rebelle, le méchant qui revient se venger et le traïtre visible à trois kilomètres, mais le final a tout de même réussir à faire hurler de rire, à grand coup d'un "Hey bitch!" bourré de testostérone, suivi d'un gros riff à la Audioslave. Ce n'est pas politiquement correct, mais tellement approprié dans le contexte.

dimanche 15 février 2015

Soldats Inconnus: Mémoires de la Grande Guerre - You're in the Army Now

La Première Guerre Mondiale a cent ans. Si loin, et pourtant si proche, celle qui devait être la Der des Ders est souvent occultée par la Seconde Guerre Mondiale, bien plus documentée et filmée en son temps, la rendant encore présente et marquante avec son horreur sans bornes. Alors que les derniers témoins directs de la Grande Guerre ont disparu il y a juste quelques années, Ubisoft Montpellier propose un titre permettant une approche inédite du conflit, avec Soldats Inconnus: Mémoires de la Grande Guerre.

Se présentant sous la forme d'un jeu d'aventure inspiré point-and-click, on suit le destin de plusieurs personnages impliqués malgré eux dans le conflit. Passant d'une histoire à l'autre, on découvre leur passé, leurs aspirations, rêves et peurs, cherchant à survivre et retrouver leurs familles. Bien écrite, la petite histoire s'inscrit dans la grande, avec des scènes se déroulant sur le front, dans des villes bombardées ou sur les routes, la narration faisant le parallèle avec l'évolution du conflit. En dehors d'un général allemand façon grand méchant cartoon, le jeu évite le manichéisme, en prenant le point de vue de soldats allemand, français et américain, et traite des prisonniers, déserteurs et "héros" finissant par se rebeller contre les ordres.

Dès les premières minutes, on reconnaît la patte de Ubisoft avec son moteur maison (UbiArt Framework), utilisé pour les derniers Rayman et Child of Light (les mélodies au piano et les séquences musicales en taxi renforçant cet air de déjà-vu): le trait BD, qui rappelle Manu Larcenet, est animé façon Flash, proposant ainsi un rendu très naturel. Les traits marqués et le design des personnages (trapus, les yeux non visibles) colle à l'ambiance du titre, avec une lourdeur liée aux évènements en cours, sans toutefois tomber dans le pathos. Au fil des chapitres, les décors évoluent depuis les vertes campagnes vers des champs de bataille couverts de fumées, gaz et cadavres, marquant un conflit qui ne semble pas s'achever, et un final tragique. Le dénouement de cette histoire est très bien amené, l'horreur atteignant les esprits et poussant certains à commettre l'irréparable. Une note d'espoir subsiste, même si le spectre de la guerre reste présent.

Fidèle à ses habitudes, l'éditeur-développeur propose des objets cachés à récupérer à travers les niveaux, mais au lieu de simples plumes ou statuettes (coucou Assassin's Creed et Far Cry), les artefacts collectés sont tous accompagnés d'une description permettant de mieux saisir la vie à cette époque. Des photos tirées de la série colorisée "Apocalypse, la Première Guerre Mondiale" permettent d'ancrer le récit dans la réalité, et donnent envie de se renseigner sur cette période. En tant que jeu seul, le gameplay est limité (les séquences contre les boss sont tout de même surprenantes), les énigmes simples, les phases de QTE présentes pour essayer d'apporter de la variété, mais la force du titre provient de cette manière inédite de présenter l'Histoire, à la manière d'un logiciel ludo-éducatif sans les travers usuels de cette catégorie: un juste équilibre entre jeu et pédagogie a été trouvé par les développeurs, ce qui a valu à ce titre une reconnaissance méritée.

dimanche 8 février 2015

Duck Tales Remastered - Pogo powa!

Il faut se méfier de la nostalgie. Entre les souvenirs trompeurs et le "c'était mieux avant", il est facile de glorifier le passé et se dire avec regret que le présent n'offre pas autant de possibilités ou d'occasions de se réjouir. La vague actuelle de jeux néo-rétro semble aller dans ce sens, en proposant toujours plus de graphismes et musiques 8-bits comme si il fallait ressusciter cette époque, comme si le jeu vidéo s'était fourvoyé avec l'augmentation des capacités techniques. Mais l'offre en termes de jeux vidéo n'a jamais été aussi importante, avec des sorties dans tous les sens, de grands éditeurs comme de petits studios, et la remise au goût du jour d'un titre historique est l'occasion d'apprécier le présent, avec DuckTales Remastered.
"C'est le plus grand boss de toute la ville..."
Plus connu dans nos verts pâturages en tant que "La Bande à Picsou", ce titre est un remake du classique de Capcom sorti sur NES en 1989, adaptation du dessin animé diffusé à l'époque à la télévision. J'ai très peu de souvenirs de la série (je pense avoir vu le film dans le cinéma de mon village) alors que je me rappelle avoir passé du temps sur la version GameBoy du jeu. Et dès les premières minutes sur le remake, on retrouve les sensations d'il y a 25 ans, avec la fameuse mécanique du pogo stick, l'Oncle Picsou / Scrooge rebondissant sur sa canne pour défaire ses ennemis. On fait apparaître des coffres et des diamants, on chasse les trésors à travers le monde et sur la Lune, on affronte Miss Tick et le comte Duckula, pour finir sur une course pour récupérer le sou fétiche.

Le jeu est extrêmement fidèle au titre d'origine, et c'est encore plus frappant en jouant par la suite à la version NES: le design des niveaux a été pratiquement repris tel quel (des sections ont été ajoutées pour offrir une durée de vie plus longue), les boss sont les mêmes avec quelques attaques supplémentaires, les bruitages (comme le mythique pogo stick) procurent une douce joie aux oreilles. Seul le dernier niveau est réellement inédit, afin d'éviter un troisième passage en Transylvanie comme sur NES. Le respect de l'oeuvre originale est impressionnant, autant sur les personnages et décors qui semblent sortir tout droit d'un véritable film Disney (les artworks déblocables permettent d'apprécier le travail réalisé), que des musiques réorchestrées à partir des thèmes 8-bits. On peut même plonger dans le coffre fort et nager parmi les pièces d'or! Seuls quelques éléments de décor en 3D et des scènes intermédiaires trop chargées en dialogues viennent casser la magie de cette adaptation, à ranger du côté de Quackshot sur MegaDrive pour son aspect dessin animé interactif.

Le gameplay remet en place des vies limitées (presque une hérésie de nos jours), même si le challenge est loin d'être insurmontable pour des habitués de la plate-forme old school. Avec ses 6 niveaux, le jeu peut se terminer d'une traite, chose désormais trop rare car comme avec la confiture, les développeurs ont tendance à étaler artificiellement le contenu de leurs jeux pour en augmenter la durée de vie, l'intérêt final en faisant souvent les frais...