dimanche 29 janvier 2017

Metal Gear Solid V: Ground Zeroes & The Phantom Pain - The End is the Beginning is the End

Enfin. J'ai mis du temps mais j'ai bouclé la saga Metal Gear avec tous les épisodes canoniques (et celui à peu près selon l'humeur). Cela fut éprouvant et fascinant, lent et intense, mais le dénouement forcé de la saga (ou du moins sous la direction de Kojima Hideo) fut une expérience particulière, avec ses moments de génie et frustration. Voyons ce que donnent les différentes parties de Metal Gear Solid V.
Suite directe de l'épisode Peace Walker (véritable 5e épisode avant l'heure vu sa qualité et son rôle dans la chronologie), MGS V s'est fait connaître avec le prologue Ground Zeroes, une (courte) introduction aux nouvelles mécaniques du monde des "opérations d'espionnage tactique". Après un Peace Walker aux missions courtes et finalement assez arcade, Big Boss doit explorer une base immense pour exfiltrer deux otages. L'arsenal de départ est limité, les gardes nombreux et moins prévisibles, pas de ballon Fulton pour les faire disparaître une fois éliminés, ça s'annonce plus compliqué. Big Boss, à présent doublé par un Kiefer Sutherland tout en retenue (snif David Hayter et son bagou charismatique) semble plus lourd, avec un rendu physique assez impressionnant, en particulier dans les phases de sprint. On apprend à esquiver les lumières, à juger de l'acuité visuelle des gardes, et on finit par plier l'unique mission principale.

S'en suit une longue cinématique plutôt traumatisante, confirmant l'ambiance bien moins enjouée que pour Peace Walker, et il est temps de lancer The Phantom Pain (on verra une autre fois pour les missions optionnelles de GZ): 1984, 9 ans après les évènements de Ground Zeroes, Big Boss se réveille dans un hôpital en sale état, et avec une armée d'assassins à sa recherche. Après une longue intro semi-interactive de plus d'une heure (l'occasion pour Kojima de chercher à en mettre plein les yeux en jouant au réalisateur de ciné et abuser du lense flare façon J.J. Abrams), le jeu débute enfin en Afghanistan, avec une mission de sauvetage.
Et là, ce cinquième épisode dévoile réellement ses charmes: si les premiers pas sont difficiles, on apprend rapidement à éliminer les gardes, récupérer des documents, écouter les fameuses cassettes (soit des informations cruciales ou de la bonne musique 80's) et développer la base de son armée des Diamond Dogs, ex Militaires Sans Frontières / futurs Outer Heaven: on recrute de force avec ce bon vieux ballon fulton, on assigne les ressources selon les compétences, on développe des armes, on envoie des mercenaires en mission, etc. Bref, la routine pour le MGS à la mode Big Boss, avec en plus un compagnon au choix sur le champ de bataille: un cheval (qui peut déféquer pour piéger les ennemis, merci Kojima), un chien borgne, un tank bipède et une femme. Quiet. La fameuse. Une sniper surpuissante qui rend les missions bien plus simples (avant que les ennemis ne s'équipent lourdement) et se balade en bikini et bas résille (merci Kojima). Dommage qu'une fois de plus un personnage féminin charismatique à l'histoire développée se retrouve affichée gratuitement (pour une raison complètement ridicule et invalidée vu que l'on peut équiper Quiet d'une combinaison militaire).

Après un quatrième épisode abusant des cutscenes sans fin à destination des fans, MGS V fait la part belle au gameplay, offrant une grande liberté d'approche des missions (bien qu'incitant toujours à la furtivité sans mort d'ennemi, récompensée si tout va bien par le rang maximal S) et distillant les éléments de l'histoire lentement, par bribes et des cinématiques bienvenues, avec moults révélations, faux semblants et têtes connues (ou pas). Il s'en dégage une petite routine assez plaisante, où l'on fait un tour à la base pour visiter ses troupes, leur remonter le moral en leur tapant dessus (...) avant de décoller pour le champ de bataille. Une fois dans l'hélicoptère, on gère sa base avec son simili smart phone des années 80, avec D-Dog ou Quiet qui nous fait les yeux doux. Puis on arrive sur le terrain des opérations en regardant mélancoliquement l'horizon... C'est ainsi que j'ai passé les 80 premières heures sur le seul Chapitre 1. Et vint le Chapitre 2.

Si jusque là le développement chaotique du titre ne se faisait pas sentir (Konami ayant viré Kojima Hideo en 2015 et poussé pour que le titre soit enfin prêt pour commercialisation), le rythme de la narration part en miettes avec des évènements majeurs qui se produisent après chaque sortie (même mineure) et retour à la base, ou même un manque de logique dans leur déroulement (la "dernière" mission sort de nulle part sans explication). Des évènements majeurs sont traités via les missions optionnelles, et les missions principales sont essentiellement des reprises à l'identique du Chapitre 1 en mode Hard. A l'identique: les debriefs avant et après missions sont les mêmes, comme si les évènements du premier chapitre n'avaient pas eu lieu.
Même en prenant mon temps (une trentaine d'heures cette fois), j'ai eu l'impression de rusher cette partie, faisant l'impasse sur les redites inutiles à l'histoire, et terminant sur un retournement final que je n'avais pas vu, et qui fait à peu près la jonction avec les Metal Gear 1 et Solid. Et encore, en vérifiant sur YouTube, j'ai trouvé des vidéos officielles de Konami sur un mission 51, concluant l'arc d'un personnage majeur, ou encore des vidéos codées dans le jeu mais inaccessibles!

En devinant les pointillés et les absences, il aurait fallu de 6 mois à 1 an de plus à Kojima et son équipe pour livrer le véritable Metal Gear Solid V: le second chapitre aurait pu faire plus de sens, une autre zone aurait été accessible, et si on rêve, un chapitre 3 aurait permis de clôre certains points de la chronologie ou mieux les lier aux années Solid Snake. Il en reste tout de même un jeu fascinant, clairement incomplet et rushé sur la fin, débordé par tout ce qu'il propose et une générosité qui donne le tournis. Thématiquement, le titre reprend les thèmes connus de MGS (la prolifération nucléaire, les enfants soldats, le terrorisme, la manipulation des esprits, l'allégeance à un chef, etc.) en renforçant le côté tragique et mettant un peu de côté les éléments légers, mais il s'attarde ici sur le sentiment de perte, chaque personnage étant traumatisé par une douleur intérieure, physique ou mental, un regret éternel d'un passé disparu. Une quête totalement optionnelle est peut-être la plus grande réussite à ce niveau, avec le retour totalement inattendu d'un personnage, et une conclusion déchirante pour Big Boss et le joueur, tous deux fortement éprouvés par ce destin brisé.

C'est à présent terminé pour Metal Gear: Konami se focalise sur le jeu mobile mais prépare un ersatz multi-joueur avec des zombies, Kojima Hideo est parti sous d'autres cieux avec un Death Stranding qui s'annonce mystérieux et glauque (vestige du remake aborté de Silent Hill?). Il n'y aura plus d'aventure de Big Boss et de sa grande famille, laissant un certain vide dans le monde des scénarios complexes et rempli de contradictions, mais tellement prenants et fascinants. Mais il me reste encore des dizaines de missions à compléter et objectifs inutiles à remplir, accompagné de mon chien ou couvert par la fidèle Quiet depuis un point d'observation. Après un parcours très sérieux de ma part, il est temps pour moi de kidnapper du soldat communiste avec Take On Me à fond sur mon walkman.