jeudi 21 juillet 2016

Dishonored - See Me, Feel Me

Dans la vie, il faut éviter d'être au mauvais endroit au mauvais moment. On n'a rien demandé, et soudain on se retrouve dans un pétrin sans nom, lâché de tous et seul face à au monde. Mais on peut en profiter pour acquérir des pouvoirs occultes et devenir un as de l'infiltration. Enfin, cela arrive surtout si on joue Dishonored.


Tout allait bien pour Corvo, garde du corps de l'impératrice, jusqu'à ce que des assassins mettent fin à sa routine quotidienne et tuant sa cliente et enlevant sa fille. Par un tour de passe-passe et de temps stoppé, il est accusé de meurtre et jeté au cachot. Mais décidé à retrouver la princesse, il s'échappe et part dans une quête furtive ou destructrice pour restaurer son honneur.

Développé par le studio français Arkane, Dishonored a connu un beau succès, avec un gameplay rappelant Bioshock et Deus Ex: Human Revolution, mélangeant FPS, acquisition de pouvoirs et décisions à prendre au fil de l'aventure. Cela reste assez simple (en gros, tuer tout le monde ou se la jouer discret et pacifiste), mais le jeu s'est fait remarquer par sa direction artistique, avec la ville de Dunwall rappelant un Londres steampunk (ou whale oil punk) de fin du XIXe siècle, et des personnages avec de vraies gueules, burinées et marquées par leur environnement. A noter, le très grand nombre de livres et messages à récupérer au fil de l'aventure, permettant d'étendre l'univers (et les pages Wikipedia sur le jeu) à moindres frais, pour qui est près à passer des heures de lecture.

Côté niveaux, le titre est clairement pensé pour être joué en infiltration: j'ai joué comme un brute sur ma première partie, et les combats au corps à corps sont loin d'être agréables, avec la sensation d'être perdu et ne pas savoir où regarder. Les munitions sont rares, et l'énergie descend très rapidement lors des affrontements, surtout quand toute une faction de gardes nous tombe dessus. C'est assez jouissif de finir un combat avec une pile de cadavres et de morceaux de corps autour de soi, mais en général le stock de fioles de soin en a pris un coup.
Non, le jeu est pensé et construit pour s'infiltrer, se téléporter sur de courtes distances en prenant de la hauteur, en favorisant les conduits et les fenêtres, et à la limite en assommant un garde isolé et en le laissant dormir dans un endroit sombre. Comme avec Bioshock, le jeu est assez ardu dans les premiers niveaux en jouant "à la loyale", mais rapidement les pouvoirs acquis permettent de terminer une mission en un temps record, si l'on connaît les raccourcis et les rondes des différentes patrouilles.

Bien que côté infiltration, Deus Ex et les Metal Gear Solid apportent plus de satisfaction, Dishonored a un certain charme qui m'a poussé à finir chaque campagne (principale et DLC) d'abord de manière brutale (pour découvrir les niveaux sans finesse), puis en infiltration totale. La contrainte "pas de mort / pas d'alerte" apporte une vraie élégance dans le jeu, bien plus fluide que dans une approche "kill them all". Mais une fois terminé dans ces deux largeurs, rien ne me pousse à retourner faire un tour dans cette ville en perdition et ses gardes à la réactivité fluctuante (selon la qualité de leur ophtalmo?). A voir si je me lance dans Dishonored 2, bientôt disponible...

vendredi 1 juillet 2016

Her Story - All about Eve

Je n'aime pas jouer sur mobile. C'est peut-être lié à mon attachement au jeu vidéo sur ordinateur ou sur console, mais j'ai besoin d'une manette ou d'un pad (voire d'une souris) pour interagir avec ce qui se déroule à l'écran. Mes doigts sont soit trop gros, soit pas assez habiles pour être à l'aise avec une surface tactile, et les simulations de pad tactile me semblent être une hérésie par rapport aux sensations offertes par un véritable contrôleur. Mais certains titres peuvent proposer un gameplay cohérent entre leur contenu et l'interface utilisée, et offrir à cette occasion de nouvelles perspectives ludiques, comme Her Story.


Face à un terminal dans un commissariat, le joueur découvre un extrait vidéo d'un interrogatoire réalisé en 1994: une femme, Hannah, apprend que le corps de son mari, disparu depuis plusieurs jours, vient d'être retrouvé. Partant de ce postulat, des mots clés peuvent être saisis pour consulter la base de données du terminal et trouver d'autres éléments du témoignage de cette femme, et essayer de découvrir la vérité sur cette affaire.

Très original, ce titre repousse les limites de ce que l'on considère comme un jeu vidéo, avec une expérience proche du film Memento avec une dimension interactive. Le scénario est très malin (écrit par Sam Barlow, à l'origine de jeux Silent Hills récents), en restant cohérent malgré une narration non linéaire, dépendant des recherches du joueur. Avec une mise en scène dépouillée, l'histoire trouve tout son impact dans le jeu de Viva Seifert dans le rôle d'Hannah: l'ensemble des bouts de vidéos représente environ 1h30 de monologues, réponses à des questions qui ne sont jamais présentes dans les enregistrements mais qui sont parfaitement claires d'après ses réactions, et variations au fil des différentes journées de témoignage.

En rupture avec les jeux usuels il n'y a pas de fin: une fois certaines vidéos clés consultées, la vérité semble être connue, un élément extérieur nous invite à fermer le terminal, mais toutes les vidéos n'ont pas été forcément consultées. On recherche alors des mots très génériques (des nombres, yes, no, etc.) afin de récupérer toutes les informations, croiser les faits et faire la lumière sur certains éléments troublants. En regardant sur des forums, il peut être étonnant de lire certaines interprétations de l'histoire, alors que des détails retirent toute ambiguïté pour les joueurs attentifs.

Et le terme de joueur devrait être remplacé par acteur ici, au vu de certains éléments qui m'ont mis mal à l'aise au premier abord (ne comprenant pas exactement ce qui venait de passer sur mon écran), mais qui renforcent l'implication dans l'histoire en lui donnant une dimension encore plus tragique.

Il ne m'a fallu que deux sessions d'environ une heure trente pour faire le tour des vidéos, soit une bonne durée pour cette expérience unique (mais sans rejouabilité). Jouer à Her Story sur son portable est pratique (attention la surchauffe tout de même), mais rien ne vaut un véritable ordinateur et clavier pour profiter pleinement de l'ambiance. Et encore, il faudrait trouver un moniteur 4/3 jauni par les années, une tour ventilant bruyamment et un clavier claquant à chaque frappe pour appuyer d'autant l'immersion.