lundi 17 février 2014

Terry Cavanagh - Gros pixels et électro

Vu la tête de mon téléphone, je ne peux pas faire grand chose de plus que passer des coups de fil et envoyer des textos, voire prendre des photos très pixelisées aux couleurs baveuses. Mais avec ce modèle, aucune chance de jouer dessus. Ce n'est pas que cela me manque: les quelques parties de Angry Birds m'ont rapidement saoulé, et je suis étonné de voir le nombre de personnes jouant à Candy Crush. Ces jeux sont bien fichus pour tuer le temps dans les transports, mais j'accroche bien plus aux histoires et univers développés sur consoles.

Alors que le jeu "casual" sur mobile est maintenant rentré dans les moeurs, voilà qu'un titre se retrouve dans les actualités: Flappy Bird. Le jeu et son créateur Dong Nguyen ont vécu une histoire digne d'un feuilleton, avec une naissance discrète, une renommée éclair avec l'argent qui va avec, les accusations de plagiat (et jalousies), suivies de la "mort" du titre avec son retrait avec des boutiques en ligne (par son auteur dépassé par les évènements), et le buzz qui fait vendre des smartphones d'occasion avec le jeu. Le tout en quelques jours.

Alors que Flappy Bird ne me disait rien avec son gameplay limité et ses tuyaux pris chez Mario, Terry Cavanagh, auteur de VVVVVV, entre en piste. A l'occasion d'une Flappy Jam, des jeux basés sur le même gameplay ont été développés en hommage à Dong Nguyen, et Maverick Bird tire son épingle du jeu.
http://terrycavanaghgames.com/maverickbird/
Comme avec l'oiseau jaune, il faut éviter des obstacles en donnant une impulsion vers le haut, mais petit ajout de gameplay, vers le bas également. Les tuyaux laissent la place à des formes variés et des séries d'obstacles. Les premières parties durent quelques secondes, mais à force d'essais on saisit la physique et l'inertie de notre "carré", et on enchaine les tentatives sans s'en rendre compte.
Car le génie de Maverick Bird est dans sa musique, qui colle parfaitement aux couleurs flash et la rapidité du jeu. Sur la base d'un morceau électro ultra efficace (Vietnam par Kozilek), le jeu devient hypnotique, et fait perdre toute notion du temps, comme si Flappy Bird s'était accouplé avec Hotline Miami.

En regardant les autres jeux de Terry Cavanagh (http://terrycavanaghgames.com/), j'ai enfin testé Hexagon. Et là, la filiation avec Maverick Bird est évidente.
http://terrycavanaghgames.com/hexagon/
On retrouve ce gameplay nerveux et hallucinatoire, où les premières parties ne durent que quelques parties, et rapidement on assimile les patterns, pour finir par jouer comme le gamin robot dans D.A.R.Y.L. Encore une fois, la B.O. est excellente, et le jeu se révèle moins frustrant et répétitif que Maverick Bird. C'est une invitation à l'exploit, qui s'est développée dans une version commerciale appelée Super Hexagon. N'ayant pas l'âme d'un super player, je n'ai pas (encore) dépassé les 30 secondes, mais certaines vidéos sur YouTube me font craindre pour la santé mentale de certains (tenir un quart d'heure à ce rythme sans crise d'épilepsie?).

Heureusement, Terry est un bon gars et propose parfois des jeux pour se reposer les yeux, comme avec Naya's Quest.
http://terrycavanaghgames.com/nayasquest/
Mais rien que les yeux, car si les premiers écrans laissent penser à une aventure calme et mélancolique, on se retrouve rapidement à se faire des noeuds au cerveau pour traverser des salles bien inoffensives au premier abord. Rien n'est ce qu'il paraît, on ne peut pas se fier à ses yeux avec des représentations isométriques, comme avec le mythique Head over Heels. Si on joue à toute vitesse, on va forcément sauter dans le vide: il faut utiliser un sonar pour identifier les dalles à proximité, mais si visuellement elles semblent être sur un autre plan.
Relativement court (30 minutes en galérant), la dernière partie du jeu est excellente avec un gameplay différent à chaque salle, et le New Game+ est une véritable ré-invention du jeu, avec un clin d'oeil appuyé à Fez.

Le site de Terry Cavanagh propose bien d'autres titres, mais chaque jeu propose des idées accrocheuses, une présentation revenant aux années des ordinateurs 8-bit, des musiques entêtantes, et toujours la patte reconnaissable de cet auteur singulier.

jeudi 6 février 2014

Virtue's Last Reward - 999 Problems

Ma vie est foutue. J'ai acheté une PS Vita.

Moins j'achète de jeux, et plus j'ai d'opportunités pour essayer des titres différents. Je vais finir par croire que je fais de la pub pour la firme en S, mais mon abonnement Playstation Plus m'a permis de mettre de côté des jeux PS Vita. Il ne manquait plus que la console, et un jeu m'a décidé à sauter le cap: Virtue's Last Reward.
Tout a commencé sur DS avec 999 Nine Hours Nine Persons Nine Doors. Le jeu se présentait comme un mix entre les énigmes du Professeur Layton et de pièges à la Saw, le tout mâtiné d'une grosse dose de visual novel façon Phoenix Wright Ace Attorney (objection!). Le système des escape rooms, où il faut s'enfuir d'une pièce à la manière jeu d'aventures point-and-click de la grande époque, est très sympathique, mais l'histoire élève le titre à un autre niveau. On n'est même plus dans un jeu, c'est un véritable "livre dont vous êtes le héros" avec des choix à prendre et des fins multiples. Sur les six, j'ai souvent fini découpé à la hache, et j'ai du regarder sur les internets comment atteindre la "vraie fin", mais j'ai tout de même éviter les spoilers, et le final abordait des concepts de plus en plus barrés (sur une base pseudo-scientifique) avec des révélations et twists à la pelle.

A part quelques points en suspens, le jeu ne semblait pas appeler une suite, et pourtant le scénariste et maître d'oeuvre Kōtarō Uchikoshi a remis le couvert dans un titre qui pousse très loin les limites du mindfuck et de l'extrapolation scientifique. Tout comme avec 999, il est préférable de ne rien savoir sur l'histoire de Virtue's Last Reward afin de l'aborder sans aucun à-priori, et aller de surprise en surprise. A ce sujet, un court-métrage animé de 12 minutes existe et reprend les premières minutes du jeu, mais il réussit à spoiler des éléments que je n'ai découvert qu'après 7 ou 8 heures dans ma partie!

Car jouer à Virtue's Last Reward, c'est s'investir dans la durée: il m'a fallu 40 heures pour parcourir les situations dans tous les sens, obtenir tous les documents cachés et voir les 20 et quelques fins différentes. Mais au delà de ces fins multiples, le jeu a réussi à me faire douter: alors que je partais sur une autre branche de l'histoire et que je pensais connaître les évènements à venir, la narration part dans une direction inattendue, en jouant justement sur mes attentes! "Tu penses savoir ce qu'il t'attend? Et bien non!" semblait me dire le titre. Et cette "tromperie" sur un futur narratif que j'avais déjà connu se retrouve au coeur du scénario, le tout avec des explications alambiquées qui feraient passer les théories vues dans 999 pour des notions apprises en maternelle.

En testant les différents choix et les multiples fils narratifs, on finit par se perdre: quels évènements se sont déroulés dans cette continuité temporelle? Où peut se trouver le fil de sortie parmi toutes ces possibilités? Malgré un nombre massif de situations et d'informations, il est tout de même très simple de naviguer au milieu d'un arbre narratif pour aller directement sur les noeuds de décisions, et découvrir une nouvelle part de l'histoire. Alors que ce concept était effleuré dans 999, il est ici primordial: chaque embranchement apporte un éclairage différent, un nouveau point de vue, des nouvelles révélations, et il est impossible de terminer le jeu sans avoir eu cette vision globale de l'intrigue.

Cette approche narrative ne peut être réalisée que par le média jeu vidéo: adapter Virtue's Last Reward au cinéma ressemblerait certainement au film Source Code (ou Groundhog Day), mais laisserait de côté les concepts qui font la force de cette oeuvre. Impossible également de retranscrire cet univers dans un livre: tout passe par des aller-retours (que l'on peut heureusement accélérer quand ils ont déjà été lus) qui seraient totalement rébarbatifs et lourdingues couchés sur papier.

Même si le jeu n'est pas impressionant techniquement (90% du jeu repose sur des plans fixes et des lignes, des lignes, des lignes de texte), même si le character design est... particulier (le costume de Alice est un craquage de fan service en règle) et même si les rares animations rappellent les premières cinématiques sur PS1, la narration prend le pas et donne envie de ne pas lâcher sa PS Vita pour en apprendre plus sur les différents mystères.

Et quand on arrive au bout de l'aventure, on a la sensation qu'elle ne fait que commencer, laissant de nombreuses questions en suspens, et une bonne dose de frustration. Connaissant déjà les tendances du scénariste via le premier épisode sur DS, certaines révélations peuvent être anticipées (des indices permettant aux plus attentifs de les voir venir), mais la qualité d'écriture est impressionnante avec une intrigue si complexe, et une structure non-linéaire!

Il ne reste plus qu'à attendre la sortie du troisième épisode de cette trilogie, les enjeux ayant été clairement mis en place dans Virtue's. Une balade sur les forums permet de revoir les détails sur lesquels on est passé rapidement, et suivre les différentes théories pour la conclusion de la saga. Encore une fois, il va falloir préparer la plaque d'aspirines, et s'attendre à hurler "QUOI???" devant sa portable.