vendredi 16 août 2013

Hotline Miami - Dial M for Murder

A force de jouer à différents titres et genres, on sait à peu près à quoi s'attendre, on identifie ses repères et ses affinités avec certains jeux et types de gameplay. Mais parfois on se lance dans un titre en s'imaginant ne faire que quelques tours et repartir, mais finalement on est pris au piège et on reste fasciné par le tour de passe-passe réalisé. Récemment, je suis resté sur le cul avec Hotline Miami.

C'est l'histoire d'un personnage anonyme (surnommé Jacket pour sa veste blanche) qui reçoit des appels téléphoniques mystérieux pour des contrats à travers Miami. Dans chaque nouveau bâtiment, il doit faire le ménage par le vide en en tuant tous les habitants. Qui sont ces victimes? Qui sont les commanditaires? Pourquoi Jacket est-il l'exécuteur de ses basses besognes? Le scénario distille les indices et révélations au compte-goutte, tout en laissant une grande place à différentes interprétations. Mais le scénario est finalement accessoire face à un gameplay totalement addictif.

Le jeu est un shoot them up / beat them all en vue de dessus: on dirige Jacket à travers les différents bâtiments et étages en cherchant la meilleure stratégie pour faire le grand nettoyage. Le pauvre Jacket n'est pas résistant, un seul coup et c'est la mort. Face à la réactivité des ennemis,il va mourir souvent, et rapidement. Mais le jeu est un die-and-retry: la partie reprend immédiatement à l'étage en cours à chaque mort, sans limite de vies. On se permet alors de faire des essais: d'abord on tente une approche furtive, en éliminant méthodiquement un maximum d'ennemis à l'arme blanche, pour finir l'étage à la mitraillette ou fusil à pompe, déclenchant une panique totale et un flux d'agressivité. Ou alors on attaque l'étage le couteau entre les dents, on enchaîne les combos, un coup de porte dans la tête d'un ennemi avant de l'achever au sol, un lancer de couteau entre les yeux d'un autre, puis on finit le reste par des rafales de balles.
Le titre a un look rétro très pixellisé et flashy, ambiance fin années 80 (qui colle avec le scénario), avec une forte couche de violence graphique: le sang coule à profusion, les ennemis partent en morceaux sous les coups de sabre ou fusil à pompe, les exécutions au sol à coup de hache ou barre à mine sont brutales. On pense à Scarface ou Drive, dont Hotline Miami semble être une adaptation non officielle.
Cette ambiance crade et poisseuse, renforcée par les visages immondes visibles lors des dialogues et le léger balancement de l'écran lors des niveaux, colle parfaitement au gameplay nerveux et incitatif: chaque niveau se solde par une note et un score, permettant de débloquer des bonus (armes et masques aux différentes propriétés), et sans s'en rendre compte on cherche rapidement à améliorer ses performances. On apprend à enchaîner les combos, à être de plus en téméraire en nettoyant une pièce au seul couteau et à se prendre pour un speed-runner pour obtenir un A+: on ressent alors la satisfaction d'un bon écolier du massacre en règle, et on commence à se dire que quelque chose cloche.

Sans spoiler le scénario (que je ne pense toujours pas avoir saisi), on peut interpréter Hotline Miami comme une réflexion sur notre rapport à la violence. Lors de la première mission, on cherche à acquérir les bons réflexes pour faire survivre Jacket au milieu de toute cette horreur (les étages finissent repeints en rouge et jonchés de cadavres), et une fois le calme revenu, celui-ci vomit lors de l'épilogue. Le joueur est également surpris par un tel déferlement de violence, mais au fil des niveaux on s'y fait, et on y prend goût. Des questions sont posées au protagoniste à la fin du jeu, mais celles-ci semblent provenir directement des développeurs, en direction du joueur, et non de son avatar virtuel: a-t-il apprécié tuer tous ces gens? Y était-il forcé?
La raison de ces massacres devient secondaire derrière la pression du score et du chronomètre: en perfectionnant ses techniques de mise à mort, on prend réellement du plaisir devant un combo d'une dizaine de tués à la suite, d'avoir survécu à une vague soutenue d'ennemis ou à choisir l'arme de ses futurs méfaits (à la manière de Bruce Willis dans le repaire de Zed dans Pulp Fiction). On attend fébrilement le verdict de la note, et on sourit en découvrant dans l'appartement de Jacket des coupures d'articles mentionnant nos faits d'armes. Pardon, de nos massacres. La violence qui était écoeurante dans un premier temps devient fascinante, faisant appel à une amélioration de nos capacités, et l'on se rend pas compte que l'on devient totalement détaché de ce que l'on est en train de faire. En cela, le jeu me rappelle ce que j'avais pu ressentir quand j'avais découvert Doom il y a plus de 10 ans: on se met à insulter le dernier ennemi qui nous tue avant la fin du niveau, ou on exulte quand on se sort d'une situation désespérée.

Je tire mon chapeau aux développeurs pour avoir réussi à introduire un second degré de lecture dans ce jeu, qui semble faire appel à la violence gratuite comme argument de vente mais se révèle plus profond. Alors que je ne cherche jamais à jouer le chronomètre ou le score dans un jeu, le gameplay de Hotline Miami m'a poussé à rejouer des chapitres pour le plaisir de la performance (après avoir vu une vidéo de superplay qui m'a bien aidé). Et bien entendu, la désormais fameuse BO du jeu joue une grande part dans cet attrait hypnotique et fascinant.
La suite (Hotline Miami 2: Wrong Number) devrait bientôt arriver, et inclure un nouveau parallèle entre jeu vidéo et réalité avec des copycats de Jacket, symbolisant les fans du premier épisode souhaitant retrouver une copie du titre original. De nouvelles interprétations en perspective, ainsi que de nouvelles armes, cela va être bon...

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