dimanche 21 avril 2013

Etre une femme, version 8-bit

Les magazines Joystick et son petit frère Joypad étaient mes revues de jeux vidéos au début des années 90. Je dois encore avoir chez mes parents la collection des 3 premières années de publication de ces magazines, depuis le premier Joystick Hebdo en 1989. C'était l'époque des Bellaminettes, du rédacteur en chef AHL, des testeurs Trazom, TSR, Moulinex et du plus marquant J'm Destroy, que j'ai eu la chance de rencontrer dans une convention il y a quelques années, à la limite de l'émotion. Leurs tests étaient souvent drôles, irrévérencieux, même si à l'époque je ne comprenais pas les références plus adultes. Comme lu dans le livre "Les chroniques de Player One" (autre magazine majeur des années 90), ça sent la bande de potes qui se font plaisir et font partager leur passion.

Août 2012, finie la rigolade. Cela fait des années que je n'avais pas entendu parler du magazine Joystick (avec Internet, ça existe encore les mensuels de jeux vidéos avec reportages et tests?), mais un article sur le reboot de Tomb Raider fait beaucoup parler de lui. La raison? Un journaliste donne ces impressions sur une avant-première du jeu, mais ses allusions au viol et à la pornographie sont loin de faire rigoler tout le monde. Joystick, c'était mieux dans les années 90.

Cet article a dû servir de déclencheur pour Mar_Lard, militante féministe, pour écrire le plus long article que j'ai pu voir sur Internet: http://cafaitgenre.org/2013/03/16/sexisme-chez-les-geeks-pourquoi-notre-communaute-est-malade-et-comment-y-remedier/. Sous ce titre digne d'une Enquête Exclusive sur M6, Mar_Lard revient sur le monde des comics et des jeux vidéos, et son rapport avec la représentation Homme / Femme. Vu la longueur de l'article, je n'ai pas eu le courage de le lire intégralement (il faudrait l'éditer en livre!), je l'ai juste survolé, lu quelques passages et regardé la première vidéo d'Anita Sarkeesian sur le sexisme dans les jeux.
 Ce n'est pas une révélation, il y a du sexisme dans le jeu vidéo. Mais le jeu vidéo est-il sexiste, ou est-ce une conséquence de notre société? Au delà de cette question philosophique, j'ai fait quelques recherches sur le net autour du sujet: celui-ci a déchaîné les passions, il suffit de voir les attaques dégradantes contre Anita Sarkeesian (à base d'insultes, de montages photoshop porno et de sabotage de pages web) ou les réactions contre l'article de Mar_Lard. Si sa démonstration et sa méthode semblent faire l'objet de critiques sur la forme, sur le fond il n'y a pas photo, et certains cas sont assez effrayants, comme ce joueur de fighting game qui se livre à du harcèlement sexuel sur une joueuse lors d'un tournoi professionnel (le Mind Game, c'est plus ce que c'était...).

Face à ce triste état de fait, j'ai voulu faire mon état de conscience également, et voir comment les femmes étaient représentées sur CPC. Et le principal constat est qu'elles sont absentes! J'ai identifié environ 250 jeux auxquels j'ai joué dans mes jeunes années sur Amstrad, et rarement une femme est au premier plan! Enfin, ça dépend.
Si je reprends juste les cas de Barbarian avec Maria Whittaker ou Prince of Persia, on retrouve dans les deux cas une princesse à sauver, avec option bimbo / bombasse / bonnasse pour la première. D'autres jeux CPC (comme Dragon's Lair, Karateka, Kung-Fu Master, Legend of Kage ou Wonder Boy) reprennent ce principe ultra bateau, qui a pour avantage de donner très rapidement un scénario ou un but pour le joueur. Oui, LE joueur, car la joueuse ne devait pas représenter beaucoup de parts de marché à l'époque, ou les développeurs étaient essentiellement masculins.
Mais au final, on se retrouve tout de même majoritairement dans le cas d'un héros masculin / militaire / truc pas identifié qui doit sauver le monde / son pays / ses amis, donc pas d'objectivation des femmes, mais surtout un manque de présence à l'écran. Damn, les développeurs sur CPC étaient-ils donc homosexuels et ont mis les femmes au placard? Non! Elles sont bien présentes via les trois exemples suivants.

On commence par une exploitation du corps reconnue et assumée, avec Samantha Fox Strip Poker. Samantha Fox était une starlette de la chanson des années 80 (Touch Me), option gros bonnet comme sa comparse Sabrina et son Boys Boys Boys. Le sponsoring des jeux avec un nom connu existait déjà à l'époque, quoi de mieux donc d'utiliser son physique pour un jeu de strip poker! Pourquoi pas, si le jeu de cartes et intéressant, et les images valent le coup. Cruelle déception.
Oh my God...
Mais qu'est-ce que c'est...
moche!
La version que j'avais à l'époque était crackée, il suffisait d'un tour de cartes pour voir défiler toutes les "photos". En redécouvrant le jeu sous émulateur, je me rends compte à quel point la partie "jeu de cartes" est mal gérée, avec une maniabilité aux fraises. J'applaudis, il faut le faire quand il s'agit juste de choisir entre relancer, demander une carte ou passer! J'ai perdu 5 minutes à faire terminer un tour!
Concernant mes images, en 1986, le format jpg n'existait pas, le CPC avait ses limites en images digitalisées, le résultat est assez éprouvant pour la rétine. Quelques années plus tard, Teenage Queen s'en sortira bien mieux avec les beaux dessins de Jocelyn Valais.
A noter la version minimaliste de The Entertainer de Scott Joplin en guise de musique de fond, à croire qu'elle est codée sur 1 bit.

Next, un jeu plus familial, Macadam Bumper. Simulation de flipper, le jeu présente une pin-up sur le tableau des scores, gage d'authenticité.
Les années 80, le punk à la crète verte, tout un symbole.
Le meilleur flipper du CPC! Le seul aussi?
La pin-up cadre bien avec la représentation qu'on pouvait se faire à l'époque d'un bar enfumé, avec 2 flippers côte à côte basés sur des licences à succès (ah, le flipper Twilight Zone...). Cette pin-up avait marqué certains joueurs à l'époque, une version crackée pour l'afficher nue existait, soit bien avant les fameux mods pour déshabiller Lara Croft.
Au niveau flipper en soi, le jeu était bien réalisé, avec une bonne physique de la balle et la possibilité de pousser le flipper (tant qu'il ne tilte pas). Le flipper était peu chargé en éléments, mais il était possible de créer son propre flipper, et de modifier les propriétés physiques de rebond de la bille et des bumpers. Il fallait juste tout recréer une fois son CPC éteint, pas de sauvegarde à l'époque.

Aucune femme n'était donc la protagoniste principale d'un jeu CPC? Si, avec Saboteur 2! Sous-titré Avenging Angel, cette suite nous met dans la de Nina, la soeur de Ninja, le héros du premier épisode. Sorte de Metal Gear préhistorique, notre héroïne doit remplir différentes missions dans un complexe militaire, gardé par des cyborgs armés de lance-flammes et des chiens.
Loading page, et carte du complexe à mémoriser.
Fly me to the Moon... with your flame thrower...
Malgré son aspect directement exporté de la version ZX Spectrum, le jeu est prenant: la musique d'intro met dans l'ambiance d'un film d'action des années 80, notre héroïne s'infiltre avec un deltaplane, doit retrouver des bandes magnétiques, tuer des gardes et s'échapper en moto. Le complexe est immense, les ennemis teigneux, des armes sont cachées à travers le bâtiment. Il ne manque qu'un emballage en carton pour se cacher et on s'y croirait. Détail intéressant, l'énergie de notre ninja remonte si on la laisse souffler entre deux triples sauts périlleux, à la manière des jeux vidéos modernes, FPS et TPS en tête.

Je croiserai certainement d'autres exemples en revoyant progressivement les jeux CPC que j'ai connus, ou les jeux plus récents sur PS3. Est-ce que les joueuses peuvent apprécier les sex games à base de Quick Time Events dans les God of War?
Review de Samantha Fox Strip Poker.
 Macadam Bumper sur ZX Spectrum (rien trouvé sur CPC).
Saboteur 2. Quelle musique!

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